Juste la fin du monde est une pièce de théâtre écrite par Jean-Luc Lagarce à Berlin en 1990, dans le cadre d’une bourse Léonard de Vinci.
A ce moment-là, l’auteur se savait atteint du sida.
Cette pièce a été traduite en plusieurs langues, et le réalisateur de cinéma Xavier Dolan a adapté la pièce dans un film franco-canadien sorti en 2016.
Résumé
Louis (34 ans) rend visite à sa famille pour la première fois depuis des années. Il retrouve sa mère (61 ans), sa sœur Suzanne (23 ans), son frère Antoine (32 ans) et sa belle-sœur Catherine, femme d’Antoine (32 ans).
Louis a l’intention de leur annoncer sa maladie et sa mort prochaine irrémédiable, mais son arrivée fait resurgir des tensions familiales. Ses proches expriment divers reproches et Louis repart sans avoir pu faire l’annonce de sa mort.
Les Personnages :
Louis, l’auteur de 34 ans
Suzanne, sa sœur de 23 ans
Antoine, son frère de 32 ans
Catherine, la femme d’Antoine, de 32 ans
Sa Mère, de 61 ans
Thèmes :
La pièce aborde la question d’une longue absence du fils et de son retour en famille, mais la pièce est également dominée par les thèmes de la solitude, de la difficulté de communication entre les gens.
Face à la mort inéluctable, le personnage cherche à rassembler des éléments de sa vie et à donner de la cohésion à son existence.
Jean-Luc Lagarce s’était déjà intéressé au sujet du retour dans ses premières œuvres, Retour à la citadelle et Les Orphelins, avant d’apprendre sa séropositivité.
La pièce s’inspire de la parabole du Fils Prodigue, et aussi du mythe de Caïn et d’Abel.
Antoine, dérangé du retour de son frère qu’il jalouse, ne veut pas que sa soeur Suzanne se réjouisse de sa visite, d’autant plus que Louis est le fils favori de sa mère.
La pièce s’inspire aussi de l’Odyssée homérique. Les deux histoires narrent la quête, l’odyssée d’un protagoniste – Louis et Ulysse – qui poursuit un but : se faire reconnaître des siens dans le cas de Louis, retrouver sa patrie dans le cas d’Ulysse.
Le titre veut dire « ce n’est pas la fin du monde » pour dire « ce n’est pas grave ». L’adverbe « juste » atténue de façon ironique la brutalité de l’action du titre : la fin du monde, mais le monde de Louis, et non celui de l’humanité.
Pour la mise en scène, le lecteur a une grande liberté d’interprétation. Les dialogues sont construits par l’apposition de longs monologues, mettant ainsi l’accent sur l’importance du langage, de la communication et de la formulation de la pensée.
Jean-Luc Lagarce ne veut pas décrire le décor de la scène, sauf pour dire que sa maison d’enfance se trouve à la campagne.
La structure de la pièce repose sur des monologues entrecoupés de scènes plus dialoguées. Ils parlent, mais sans parvenir à communiquer, à cause du malaise qui existe entre les personnages.
La pièce a un prologue et un épilogue, qui tendent à rendre compte des motivations intérieures du personnage.
Le prologue ressemble au chœur du théâtre antique.
Louis a accepté l’idée de l’au-delà, mais le retour de Louis chez ses proches est un retour sur lui-même.
La Première partie narre l’arrivée de Louis, l’accueil et les reproches des siens sur son absence et l’hostilité d’Antoine.
Scène 1
Intermède
Louis : « C’est comme la nuit en pleine journée, on ne voit rien, j’entends juste les bruits, j’écoute, je suis perdu et je ne retrouve personne. »
Louis est presque un étranger pour sa famille, il ne connait pas Catherine, Antoine et Suzanne se querellent.
Scène 2
Intermède
Suzanne a entendu la dispute entre Antoine et Louis.
Les enfants de Catherine sont chez leur grand-mère maternelle, et Catherine essaie de justifier le fait que son fils soit prénommé Louis. « Antoine dit que vous n’en aurez pas [d’enfants]. » Louis est-il homosexuel ?
Scène 3
Intermède
Le rêve de Louis : les pièces dans la maison de sa mère étaient tellement éloignées, qu’il marchait pendant des heures sans jamais les atteindre.
Suzanne reproche à Louis : « Lorsque tu es parti / – je ne me souviens pas de toi – / je ne savais pas que tu partais pour tant de temps […]. […] Ce n’est pas bien que tu sois parti, […]. »
Louis est un écrivain homosexuel, éloigné de sa famille.
Scène 4
Intermède
Suzanne se plaint parce que Louis ne les a pas visités : « et rien de bien tragique non plus, / pas de drames, des trahisons, / cela que je ne comprends pas, / ou ne peux pas comprendre. »
Pour Antoine, son frère est « désirable et lointain, distant, rien qui se prête mieux à la situation. Parti et n’ayant jamais éprouvé le besoin ou la simple nécessité. »
La mère aussi a des problèmes de communication, et le retour de Louis l’a poussée à ressasser ses souvenir sur une famille plutôt banale.
Scène 5
Intermède
Catherine, qui a entendu la dispute entre Louis et Antoine, « et c’est maintenant comme si tout le monde était parti / et que nous soyons perdus. »
Louis justifie son retour. Il dit qu’il est venu les voir parce que « cette absence d’amour fit toujours plus souffrir les autres que moi. » Mais sa famille l’a bandonné, et elle ne l’aime pas comme un vivant, mais comme un mort.
Scène 6
Intermède
Antoine prétend que Suzanne ressemble à Louis et qu’elle voulait « être malheureuse parce qu’il était loin, / mais ce n’est pas la raison, ce n’est pas une bonne raison, / tu ne peux le rendre responsable, / pas une raison du tout, / c’est juste un arrangement. »
Antoine travaille « dans une petite usine d’outillage ».
Scène 7
Intermède
La mère cherche Catherine. Quand elle appelle Louis, c’est Suzanne qui répond.
Conversation entre Louis et Suzanne. Suzanne donne son avis sur cette « fille-là », et Louis s’indigne.
Scène 8
Intermède
Suzanne s’indigne parce qu’elle prétend connaître les « petits arrangements » d’Antoine.
Long monologue de la mère, à louis : « Ils veulent te parler, / ils ont su que tu revenais et ils ont pensé qu’ils pourraient te parler, / un certain nombre de choses à te dire depuis longtemps et la possibilité enfin. » Elle dit : « ils voudront t’expliquer mais ils t’expliqueront mal, / car ils ne te connaissent pas, ou mal. » , « tu répondras à peine deux ou trois mots, / ou tu souriras, la même chose … et ce sourire aura aggravé les choses entre vous, / ce sera comme la trace du mépris, la pire des plaies. » Elle sait qu’Antoine « voudrait pouvoir vivre autrement avec sa femme et ses enfants / et ne plus rien devoir … »
Plus encore : « la journée se terminera ainsi comme elle a commencé, / sans nécessité, sans importance. »
La mère veut que Louis lui donne à Antoine « l’illusion qu’il pourrait à son tour, à son heure, m’abandonner ».
Scène 9
Intermède
La mère craint que Louis ne soit déjà reparti.
Suzanne s’indigne, Louis répond à Catherine qu’il aimerait bien un peu de café, Suzanne et Antoine se fâchent et finissent par s’en aller, suivis de Louis et de la mère.
Scène 10
Louis espère que sa mort fera disparaître le monde. Il fait de son mieux pour résister : « Je suis un meurtrier et les meurtriers ne meurent pas, / il faudra m’abattre. » Il croit pouvoir décider de tout, la mort incluse, qui l’a obsédé durant ses périples jusqu’à ce qu’un certain « à quoi bon » l’encourage à terminer ses « dérisoires et vaines escapades ».
Scène 11
Louis essaie de justifier son arrivée, mais Antoine répond : « Pourquoi est-ce que tu me racontes ça ? » , parce que les raisons du retour de Louis ne l’intéressent pas. Antoine s’en va, il ne veut plus écouter Louis : « Les gens qui ne disent jamais rien, on croit juste qu’ils veulent entendre, / mais souvent, tu ne sais pas, / je me taisais pour donner l’exemple. »
La Deuxième partie
Scène 1
Louis dévoile qu’il a décidé de partir, mais sans révéler son secret. Il dit « qu’il n’y aura plus tout ce temps / avant que je revienne, / je dis des mensonges … ». Il donnera de ses nouvelles, mais « c’était juste la dernière fois, / ce que je me dis sans le laisser voir ». « Antoine dit plusieurs fois qu’il ne veut en aucun cas me presser, / qu’il ne souhaite pas que je parte, mais qu’il est l’heure du départ, / et bien que tout cela soit vrai, / il semble vouloir me faire déguerpir, c’est l’image qu’il donne, .. »
Scène 2
Louis préfère repartir le lendemain : „Mieux encore, je dors ici, je passe la nuit, je ne pars que demain, / mieux encore, je déjeune à la maison, / mieux encore je ne travaille plus jamais, / je renonce à tout, / j’épouse ma sœur, nous vivons très heureux.”, avec le sous-entendu qu’ils se prennent la tête pour un rien, mais surtout que Louis veut repartir le soir-même.
Antoine déclare qu’il est désolé et fatigué, qu’il ne voulait pas être méchant, ni brutal. Il se souvient que lui et Louis se battaient sans cesse étant petits. Antoine sortait toujours vainqueur, « parce que je suis plus fort, parce que j’étais plus costaud que lui », ou alors « parce que celui-là se laissait battre ».
Scène 3
Monologue d’Antoine (à son frère) : « Tu dis qu’on ne t’aime pas, / je t’entends dire ça, toujours je t’ai entendu … » , « tu ne manquais de rien et tu ne subissais rien de ce qu’on appelle le malheur. » Il admet que « nous n’étions pas bons avec toi, / et nous te faisions du mal. / Tu me persuadais, / j’étais convaincu que tu manquais d’amour. » Pendant enfance, Antoine souffrait pour son frère : « cette peur que j’avais que personne ne t’aime jamais, / cette peur me rendait malheureux à mon tour, / comme toujours les plus jeunes frères se croient obligés de l’être par imitation et inquiétude … » La famille pensait en effet qu’elle n’aimait pas assez Louis.
Épilogue
La mort de Louis : « Après, ce que je fais, / je pars. / Je ne reviens plus jamais. Je meurs quelques mois plus tard, / une année tout au plus. » Il se rapelle son séjour dans le Sud de la France, égaré dans les montagnes durant une promenade nocturne, quand il décida de suivre une voie ferrée. Arrivé devant l’entrée d’un immense viaduc qui dominait une vallée, il éprouva un farouche besoin de « pousser un grand et beau cri, / un long et joyeux cri qui résonnerait dans toute la vallée, […]. » Mais il se tut.
Il clôt : « Je me remets en route avec seul le bruit de mes pas sur le gravier. / Ce sont des oublis comme celui-là que je regretterai. »
Adaptations :
Au théâtre
La pièce de théâtre a été adaptée dans une mise en scène de François Berreur en 2007, avec cette distribution : Danièle Lebrun, Elizabeth Mazev, Clotilde Mollet, Hervé Pierre, Bruno Wolkowitch, et dont les répétitions ont fait l’objet d’une vidéo du réalisateur Joël Curtz.
La pièce entre au répertoire de la Comédie-Française en mars 2008, avec la mise en scène de Michel Raskine (récompensée par le Molière du meilleur spectacle), et donne lieu à de nouvelles représentations lors de la saison 2009-2010 (reprise).
En 2011, Samuel Theis met lui aussi en scène Juste la fin du monde, spectacle qui remporte les prix SACD et Théâtre 13 Jeunes metteurs en scènes.
En 2018, la pièce a également été mise en scène par Julien Tanguy, avec cette distribution : Adrien Le Merlus, Johanne Lutrot, Clara Le Lay, Coline Marquet et Aymone Clavier. La première représentation a eu lieu le 5 décembre 2018 à l’amphithéâtre Michel Le Corno (Vannes), produite par la Compagnie Catharsis.
Au cinéma
En 2008, Olivier Ducastel et Jacques Martineau adaptent la pièce dans un film avec la distribution de la Comédie-Française : Pierre Louis-Calixte (Louis), Catherine Ferran (Martine, la mère), Elsa Lepoivre (Catherine, la femme d’Antoine), Julie Sicard (Suzanne), Laurent Stocker (Antoine).
Xavier Dolan adapte la pièce au cinéma dans un film franco-canadien au titre homonyme Juste la fin du monde, sorti le 21 septembre 2016 en France et au Québec avec cette distribution : Gaspard Ulliel (Louis), Nathalie Baye (Martine, la mère), Léa Seydoux (Suzanne), Vincent Cassel (Antoine) et Marion Cotillard (Catherine, la femme d’Antoine).