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Allaoua Kherib – Mon vase de Chine
Elle est tellement frêle
Que je dus songer
A cette antique porcelaine
Que je vis au musée.
Elle est rose de teint
Verte de ses yeux
Blanche des seins
Et noire de ses cheveux.
Elle a tout d’un mannequin
Aime les gens mondains
On veut qu’elle épouse Alain
Mais elle manque de bouquins.
Allaoua Kherib, Paris, le 18 juin 2015. Tous droits réservés.
Commentaire :
Cette femme existe réellement; et par ses seules couleurs, elle incarne l’humanité errante sur une terre en déperdition – perte, diminution de matièe, énergie, etc. Nombreux sont mes lecteurs qui l’apparentent à de l’érotisme, mais la vérité est complètement ailleurs. Déroutant, n’est-ce pas? L e monde s’attend à un vrai vase de Chine; et il se retrouve avec une femme dans les bras! Et pourtant!
A l’idée d’une Chine – Empire du milieu, incarnant d’une certaine manière une puissance aux énormes besoins énergétiques -, j’oppose son vase millénaire nous rappelant la fragilité d’un monde fait de justes équilibres entre les éléments qui, à tout moment, peuvent se neutraliser, s’annihiler, par la seule bêtise humaine, donc par notre seul manque de maturité.
Sur le plan littéraire, après le premier quatrain suggérant la fragilité, trait caractéristique de son profil psychologique transvasé, vient le second dresser son portrait digne d’un joli nu au grand dam du peintre absent – connaissant les ombres chinoises -, le poème finit par un troisième et dernier quatrain révélant au monde les réelles intentions de cet être capricieux et sophistiqué que le poète rejette pour son manque de naturel: au mannequin mondain – putain du monde, Babylone notoire – détournant les feux de la rampe – les médias – sensée traiter des sujets de l’heure – racisme, de l’accroissement des inégalités de par le monde, le réchauffement climatique…l’on ose proposer, en outre, au pauvre poète, sa main. Sa légèrté, après maints vacarmes et autres cris stridents – publicité, télé-réalités et autres émissions sans tête ni queue -, finit par se heurter à la profondeur du poète – sagesse – et n’essuyer qu’une fin de non recevoir – On veut qu’elle épouse Alain, mais elle manque de bouquins.
Finalement, il ne s’agit ni d’un vase de Chine, ni même d’une femme, mais seulement de mots; et encore lesquels ! Le refus du poète est ici tout ce qu’il y a de plus humain. Se voulant avant-gardiste, il demeure seul contre tous, s’opposant ainsi à la bêtise même. Immuable dans ses certitudes, il avertit: encore un temps et la moitié d’un temps et la noirceur de ses cheveux déteindrait sur le lait nourricier de ses seins blancs qu’elle promène au vent parmi les verts pâturages de ses yeux avec lesquels, contemplative déjà depuis la nuit des temps, elle embrasse d’un seul regard tous ses flétrissements. L’évocation de musée dès le premier quatrain, n’est pas fortuite: elle implique l’idée d’histoire des temps passés. Une terre asséchée – OGM, culture intensive, réchauffement climatique, etc. – est vite reléguée à l’état de musée, et encore faut-il que nous ayons la chance d’en trouver une autre! Ce dont je doute fort. Désormais, la terre, menacée du manque d’eau et d’épuisement des énergie fossiles -sujets d’actualité -, risque de connaître une résurgence des vieilles doctrines dont les affreuses pertes sont connues du genre humain.
Derrière Mon vase de Chine se cache une femme; derrière elle se cache une guerre; et plus loin encore, derrière les mots, se lit le pacte des loups qui, parti d’un vase de Chine, finira en vase de Soissons.
Avec tous mes espoirs que cela ne se produira pas. Pour une terre encore plus bleue qu’elle ne le fut jamais. Nous avons toutes et tous à y gagner.
A bon entendeur, bien loin des lectures naïves!
Pour le concours Le poème de la terre.
Avec mes remerciements à l’ensemble de l’équipe Poésis de l’espace dédié.
Allaoua Kherib, poète-écrivain, Paris, le 18 juin 2015, tous droits réservés.
Publié par online-litterature