
Discours lors de l’inauguration du Monument de la Résistance du plateau des Glières (André Malraux)
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André Malraux, pour l’état civil Georges André Malraux, né le 3 novembre 1901 à Paris1 (18e) et mort le 23 novembre 1976 à Créteil (Val-de-Marne), marié le 26 octobre 1921 à Clara Goldschmidt ; divorcé le 9 juillet 1947 ; remarié à Riquewihr (Haut Rhin) le 13 mars 1948 avec Marie-Madeleine Lioux2, est un écrivain, aventurier, homme politique et intellectuel français. Le 7 décembre 1933, André Malraux reçoit le prix Goncourt.
Gisors – La connaissance d’un être est un sentiment négatif : le sentiment positif, la réalité, c’est l’angoisse d’être toujours étranger à ce qu’on aime. (La Condition humaine (1933), Malraux, éd. Gallimard).
Essentiellement autodidacte et tenté par l’aventure, André Malraux gagne l’Indochine où il participe à un journal anticolonialiste et est emprisonné en 1923-1924 pour trafic d’antiquités khmères. Revenu en France, il transpose cette aventure dans son roman La Voie royale publié en 1930 et gagne la célébrité avec la parution en 1933 de La Condition humaine, un roman d’aventure et d’engagement qui s’inspire des soubresauts révolutionnaires de la Chine et obtient le Prix Goncourt.
Militant antifasciste, André Malraux combat en 1936-1937 aux côtés des Républicains espagnols. Son engagement le conduit à écrire son roman L’Espoir, publié en décembre 1937, et à en tourner une adaptation filmée Espoir, sierra de Teruel en 1938. Il rejoint la Résistance en mars 1944 et participe aux combats lors de la Libération de la France. Après la guerre, il s’attache à la personne du général de Gaulle, joue un rôle politique au RPF, et devient, après le retour au pouvoir du général de Gaulle, ministre de la Culture de 1959 à 1969.
Il écrit alors de nombreux ouvrages sur l’art comme Le Musée imaginaire ou Les Voix du silence (1951) et prononce des oraisons funèbres mémorables comme lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon le 19 décembre 19643. En 1996, pour le 20e anniversaire de sa mort survenue le 23 novembre 1976, ce sont les cendres de Malraux qui sont à leur tour transférées au Panthéon.
Malraux rentre en France en novembre 1924 et demeure quelque temps au 39, boulevard Edgar-Quinet. Il fait ses débuts à la NRF et rencontre Picasso. Il décide cependant de regagner l’Indochine, dans l’intention d’y combattre les injustices du système colonial avec l’avocat progressiste Paul Monin, qui a déjà commencé ce combat sur place. Pour financer leur voyage, André et Clara Malraux vendent des tableaux, parmi lesquels de faux Picasso et de faux Derain. Ils partent en 1925. Malraux et Monin fondent le mouvement de libération Jeune Annam et un journal critique envers le système colonial : L’Indochine, qui paraîtra ensuite sous le titre L’Indochine enchaînée. Malraux revient en France à la fin de 1925 et cesse de s’occuper de l’Indochine. En fait, Malraux était moins révolutionnaire que Monin. En 1935, encore, dans la préface d’un livre d’Andrée Viollis, il distinguera entre « les nécessités d’une colonisation » et « les sottises qui se réclament d’elle. »
En 1926, le couple emménage au 122, boulevard Murat à Paris. Malraux se remet à l’édition des livres de luxe. Il publie ainsi un faux journal intime de Baudelaire, Années de Bruxelles, qui a été écrit par son ami Pascal Pia.
Toujours en 1926, il publie La Tentation de l’Occident, dialogue épistolaire entre un Français et un Chinois de fiction.
En 1927, il est alité pendant un trimestre entier à la suite d’une crise de rhumatisme articulaire aigu. Il entre au comité de lecture des éditions Gallimard et y devient directeur artistique en 1929. À cette époque, Malraux raconte à qui veut le croire qu’il a joué un rôle important au Kuomintang (vice-commissaire à la propagande), ce qui est faux.
En 1930, il publie La Voie royale, un roman d’aventures largement inspiré par son expédition « archéologique » au Cambodge. Il édite Calligrammes de Guillaume Apollinaire. Le 20 décembre 1930, son père se suicide.
Au début de 1931, la Galerie de la NRF, nouvellement créée par Gaston Gallimard, expose des œuvres d’art gothico-bouddhique que Malraux a apportées d’Orient, où il a voyagé deux fois avec Clara (en 1929 et en 1930) dans l’intention de faire commerce d’objets d’art. Malraux prétend que les œuvres exposées proviennent du Pamir et qu’il les y a trouvées lui-même, mais en réalité, il n’est pas allé au Pamir. Il se montre avare d’explications aux universitaires et aux journalistes. Gaston Poulain, chroniqueur à Comœdia, publie une interview de Malraux qui incite au scepticisme sur l’authenticité des objets exposés. La Galerie de la NRF, dont Malraux est actionnaire, a pour objet le commerce des objets d’art et les opérations immobilières, mobilières et financières. Une grande partie de son stock, où sont représentés l’art gothico-bouddhique, l’art gréco-bouddhique, l’art indo-hellénistique ainsi que l’art des nomades de l’Asie centrale, est alimentée par les voyages de Malraux et Clara en Asie, qui se poursuivront en 1931 : Ispahan, Afghanistan, Inde, Birmanie, Malaisie, Singapour, Hong Kong, Chine, Japon. Malraux fait sortir les objets d’art de leur pays d’origine en contournant la douane, le cas échéant en corrompant le douanier. Pour écouler les pièces, la galerie utilise un procédé qui, à l’époque, n’est pas illégal : on place en salle de ventes une petite quantité d’objets dont on possède de nombreux analogues, on fait monter le prix des objets mis en vente et on les achète au prix élevé qu’ils ont atteint, ce prix servant ensuite d’argument pour demander cher de toutes les pièces semblables. Le commerce d’ œuvres d’art semble avoir mis Malraux très à l’aise financièrement.
Le 22 mars 1932, la mère de Malraux meurt. Il rencontre Josette Clotis, et s’installe avec Clara au 44 rue du Bac (Paris 7e), où il écrit La Condition humaine, roman inspiré du massacre de Shanghai de 1927. Florence Malraux, fille d’André et de Clara, naît le 28 mars 1933.
Le militant antifasciste
Dès 1933, il milite contre le fascisme et le nazisme. Il prononce un discours lors de la première réunion de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (A.E.A.R.), présidée par André Gide. Il participera à plusieurs activités de cette association, sans savoir qu’elle est noyautée par des agents de Moscou, notamment Willi Münzenberg. Au mois d’août, il rencontre Trotski à Saint-Palais-sur-Mer55. Il a avec Louise de Vilmorin une courte liaison, qu’il rompt quand il apprend que sa maîtresse accorde simultanément ses faveurs au journaliste allemand Friedrich Sieburg.
En janvier 1934, il se rend en Allemagne avec André Gide pour prendre la défense de Dimitrov, accusé de complicité dans l’incendie du Reichstag, mais, contrairement à leur espoir, les deux écrivains ne sont reçus ni par Hitler ni par Goebbels.
En mars, Malraux se lance dans une nouvelle aventure : il va avec le capitaine Édouard Corniglion-Molinier reconnaître en avion le site de Marib, au Yémen, capitale légendaire du royaume de Saba, celui de la Reine de Saba. Malraux ne se laisse pas dissuader par l’archéologue historien Henri Munier, qui lui explique que la reine de Saba n’a aucune consistance historique. Le 7 mars, survolant les environs de Sanaa (Yémen), les deux explorateurs aperçoivent « une plage de galets colossaux » et décident que c’est la ville de la reine de Saba. Corniglion-Molinier télégraphie en ce sens à L’Intransigeant. Au retour, ils sont invités et reçus à Addis-Abeba par l’empereur Hailé Sélassié 1er, qui prétend descendre de Salomon et de la reine de Saba. En réalité, Malraux et Corniglion-Molinier ont survolé une oasis, quelques ruines et des groupes de maisons habitées : Asahil Rymen, Kharib et Duraib.
En mars 1934, Malraux adhère au Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, qui vient d’être créé. Il fréquente le journaliste et écrivain Ilya Ehrenbourg, agent d’influence soviétique chargé de gagner des sympathisants parmi les intellectuels parisiens. De juin à septembre, André et Clara Malraux sont en URSS avec Ehrenbourg et sa femme. Malraux donne des entretiens à la Pravda et rencontre Boris Pasternak. Il semble n’avoir vu Staline que de loin, lors d’un défilé sportif, même s’il évoqua plus tard « le Staline que j’ai connu ». En août, il assiste au Congrès des écrivains soviétiques, où Gorki l’étonne par son adhésion caricaturale aux doctrines officielles en matière de littérature. Malraux prononce un discours: L’art est une conquête[réf. souhaitée], où il rend hommage à l’émancipation du prolétariat en U.R.S.S. mais exprime la crainte que les principes du réalisme socialiste n’étouffent la création littéraire.
En mai 1935, il publie Le Temps du mépris, nouvelle inspirée de récits que lui ont faits Manès Sperber, Bernard Groethuysen et Willy Bredel, un communiste allemand que les Allemands ont libéré après un an de camp.
En juin 1935, il est, avec Gide, le participant français le plus en vue du Congrès international des écrivains pour la défense de la culture, au Palais de la Mutualité. Dans l’esprit de son organisateur discret, Willi Münzenberg, ce congrès doit être une manifestation à la gloire de l’U.R.S.S., mais certains écrivains parviennent à protester contre l’emprisonnement des opposants à Staline. Selon des rapports des écrivains Victor Kine et Johannes Becher au Comité central du Parti communiste d’U.R.S.S., Malraux a aidé efficacement les Soviétiques à limiter l’action des protestataires.
En mars 1936, il refait un court séjour en URSS. Il s’entretient avec Eisenstein, qu’il a déjà rencontré à Paris en 1932 et qui envisage de travailler à une adaptation cinématographique de La Condition humaine. Malraux et Eisenstein font quelques projets, mais Eisenstein finit par renoncer, car La Condition humaine lui semble trop antistalinienne. Malraux a également une rencontre assez décevante avec Gorki, qui mourra peu après.
Malraux ne s’est jamais cru lié par un dogme et, à travers ses mutations, il est resté fidèle à son besoin de dépassement, en excluant tout recours aux utopies consolatrices, mais en devenant de plus en plus dépendant aux stupéfiants. Agnostique, il a mis dans l’art — et notamment dans l’idée d’un « musée imaginaire » qui arracherait les œuvres d’art à leurs fonctions traditionnelles pour les repenser dans leurs relations et leurs métamorphoses — la seule grandeur à la portée de l’homme et ses seules chances d’éternité. C’est pourquoi fraternité et humanisme sont au cœur de sa vie et de son œuvre :
« L’humanisme, ce n’est pas dire : „Ce que j’ai fait, aucun animal ne l’aurait fait”, c’est dire : „Nous avons refusé ce que voulait en nous la bête, et nous voulons retrouver l’homme partout où nous avons trouvé ce qui l’écrase.” »
— Les Voix du silence, 1951
Dès 1926, il exprime dans La Tentation de l’Occident une idée à laquelle il reviendra souvent :
« Dieu a été détruit. L’homme ne trouve que la mort. »
On lui a souvent attribué la phrase « Le siècle prochain sera religieux ou ne sera pas ». Il a pourtant plusieurs fois démenti l’avoir prononcée, bien que différents témoins, dont André Frossard, aient affirmé l’avoir entendue de sa bouche sous la forme un peu différente « Le XXIe siècle sera mystique ou ne sera pas ». Elle pourrait aussi être une citation non littérale de ce propos authentique :
« Je pense que la tâche du prochain siècle, en face de la plus terrible menace qu’ait connue l’humanité, va être d’y réintégrer les dieux. »
André Malraux et l’Inde
Dans cette perspective de « réintégration des dieux », André Malraux donna une large part à la civilisation indienne ainsi qu’à sa religion, l’hindouisme. Dans Antimémoires, il place l’Inde comme un de ses phares personnels les plus inspirants :
« [Face à l’Inde] Je venais de retrouver l’une des plus profondes et des plus complexes rencontres de ma jeunesse. Plus que celle de l’Amérique préhispanique, parce que l’Angleterre n’a détruit ni les prêtres ni les guerriers de l’Inde, et que l’on y construit encore des temples aux anciens dieux. Plus que celle de l’Islam et du Japon, parce que l’Inde est moins occidentalisée, parce qu’elle déploie plus largement les ailes nocturnes de l’homme ; plus que celle de l’Afrique par son élaboration, par sa continuité. Loin de nous dans le rêve et dans le temps, l’Inde appartient à l’Ancien Orient de notre âme. »
La politique culturelle de Malraux
La politique culturelle de Malraux favorise surtout les arts, qui ont le plus d’effet sur les masses : arts vivants, musées, cinéma (il crée le label „Art et essai”), musique…. La culture de Malraux en matière d’art et sa fraternité à l’égard de plusieurs artistes de premier plan (Matisse, Braque, Picasso, Giacometti) distinguent particulièrement l’œuvre du ministre : commandes du plafond de l’Odéon à André Masson en 1963, du plafond de l’Opéra de Paris à Marc Chagall en 1962, envoi de la Joconde de Vinci aux États-Unis en 1963 ; restauration du château de Versailles, ou encore campagne de ravalement des grands monuments de Paris et des quartiers anciens (Loi Malraux du 4 août 1962). Malraux n’a de cesse de faire rayonner la culture française dans le monde. On lui doit notamment le système « d’avance sur recettes », mis en place par un décret de juin 1959, qui reste de nos jours un moteur important de la création cinématographique en France. À la même période, il fondait la Biennale de Paris, manifestation d’art dont le but était la valorisation de la jeune créativité française et internationale et le renforcement de la présence artistique française dans le monde.
L’administration étatique de l’art inaugurée par Malraux, cette volonté de produire du culturel en y mettant les moyens budgétaires, a été jugée par l’historien Marc Fumaroli[réf. souhaitée] comme le grand enterrement nihiliste de la culture française. Selon lui, si l’on compare l’extraordinaire abondance de talents lors de la IIIe République qui n’avait pas de politique culturelle, avec l’ère malrucienne et actuelle, on s’aperçoit que l’après-guerre est pour la France un désert artistique, qu’on s’efforce de dissimuler à coup d’évènements culturels. Toutefois, la thèse de Marc Fumaroli est fortement contestée par certains historiens de la politique culturelle comme Philippe Poirrier et Philippe Urfalino[réf. souhaitée], qui soulignent plutôt la modestie de la politique culturelle de la période Malraux, tout en pointant ses singularités : rôle initiateur de l’État, volonté de démocratiser la culture consacrée, élargissement de l’État-providence aux questions culturelles. Le ministère des Affaires culturelles, créé pour conserver Malraux au gouvernement, sera pérennisé après son départ en 1969.
Les Œuvres complètes d’André Malraux sont disponibles en six volumes dans la collection „Bibliothèque de la Pléiade” (éditions Gallimard) : les deux premiers tomes sont consacrés aux œuvres de fiction ; le tome III au Miroir des limbes ; les tomes IV et V rassemblent les Écrits sur l’art ; le tome VI, intitulé Essais, rassemble des textes sur la littérature (articles, préfaces), des discours et articles à caractère politique, Le Triangle noir, L’Homme précaire et la littérature ainsi que les deux Carnets posthumes (d’URSS et du Front populaire). Cet ensemble comporte un appareil critique, des index, de nombreux inédits, ainsi que, pour les volumes IV et V, les illustrations des éditions originales. Dans la même collection un Album Malraux (iconographie choisie et commentée par Jean Lescure, 517 illustrations) a été publié en 1986.
Articol scris de online-litterature
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