Bobby Paul
CHRONIQUE : Lorsque j’étais petit
Lorsque j’étais petit le ciel était toujours bleu et la vie quotidiennement rose. Le temps avait l’allure de notre grand-mère quand elle rentrait du marché. Tout se faisait lentement. Jamais j’avais entendu chanter les armes de la mort ni voir passer dans le ciel toujours bleu des oiseaux métalliques qui auraient pu laisser tomber de leurs gros ventres des œufs remplis de feu.
Alors en ce temps-là les voisins et voisines étaient tous aimables quoique parfois, tous ils grondaient les enfants lorsqu’ils étaient, comme mes frères, ma sœur et moi, pas trop polis. Mes frères, ma sœur et moi, on aimait jouer avec les autres enfants du village et parfois on se battait les uns aux autres comme des diablotins. C’était toujours à ce moment-là qu’interviendrait un de nos voisins avec une branchette pour nous courir après. Tous les voisins et voisines avaient le même droit de pouvoir nous courir après. Mais le plus souvent, aucun d’entre eux arrivaient à nous attraper. Mon Dieu comme on était malin et rapide !
Pour revenir à ma grand-mère, elle s’appelait Irène et était une femme noble et imposante, elle avait de longs cheveux mi sel mi poivre et un très beau et calme visage que nous aimions tous embrasser. Quand nous étions beaucoup plus petits, mes frères et ma sœur et moi et lorsque nous pleurions, comme grand-mère était grande et avait de gros seins lourds, elle avait l’habitude de nous cacher la tête sous ses seins tièdes. Et quelque temps après on dormait tranquillement. Un peu plus grands, durant les vacances d’été, souvent grand-mère nous emmenait nous baigner dans une rivière qui était au versant gauche du village. Tout en ce lieu était vert. Les arbres comme les herbes. Il y avait aussi des fleurs sauvages que nous cueillions pour les offrir en bouquet à notre grand-mère chérie. Elle aimait beaucoup les fleurs. Surtout celles que nous l’apportions, elle les adorait et les chérissait beaucoup plus encore. En route allant vers la rivière ma grand-mère était fière de nous présenter aux gens qu’elle rencontra durant notre promenade. Souvent c’était de jolies marchandes de fruits et d’autres gentils paysans et parfois c’était des notables suffisants. Tous ils nous chouchoutaient et félicitaient grand-mère. Et les belles marchandes tout comme les aimables paysans nous offraient des mangues juteuses, des figues bananes sucrées ou des avocats aussi verts que la nature. Continuant la route grand-mère pour nous intéresser à marcher quand nous commencions à nous plaindre de la durée de la marche, elle nous chantait des chansons tirées du folklore haïtien. Mais moi parmi toutes ces chansons celle que j’aimais beaucoup plus était en créole et disait:
ti zwazo kote ou pwale
mwen pwale kay fiyèt lalo
fiyèt lalo konn maje timoun
si ou ale l ap manje ou tou
bri kolibri
bri kolibri
wosiyòl manje kowosòl
oiselet ou est-ce que tu vas ?
je vais chez fillette Lalo
fillette Lalo sait manger les enfants
si tu vas chez-elle
elle te mangera aussi
bruit colibri
bruit colibri
le rossignol a mangé le corossol
Enfin, lorsque j’étais petit le ciel était toujours bleu et la vie quotidiennement rose. De nos jours le temps n’a plus l’allure de ma grand-mère quand elle rentrait du marché. Tout se fait rapidement. Partout dans le monde les enfants entendent chanter les armes de la mort et souvent ils voient passer dans le ciel moins bleu qu’autrefois des oiseaux métalliques qui laissent tomber de leurs gros ventres des œufs remplis de feu.
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