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Littérature française – Auteurs à connaître au bac de français
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Boris Vian
Satrape du Collège de Pataphysique depuis le 11 mai 1953.
Naissance 10 mars 1920, Ville-d’Avray
Décès 23 juin 1959 (à 39 ans), Paris
Activités
Esprit universel, chanteur, poète, trompettiste, parolier, peintre, traducteur, ingénieur, librettiste, dramaturge, écrivain, auteur-compositeur-interprète, musicien, compositeur, scénariste, musicien de jazz, critique littéraire, journaliste musical, critique musical.
Œuvres principales
L’Écume des jours, J’irai cracher sur vos tombes, En avant la zizique… et par ici les gros sous, Tête de méduse, Le Goûter des généraux.
Boris Vian a abordé à peu près tous les genres littéraires : poésie, documents, chroniques, nouvelles. Il a aussi produit des pièces de théâtre et des scénarios pour le cinéma. Son œuvre est une mine dans laquelle on continue encore de découvrir de nouveaux manuscrits.
Il est également l’auteur de peintures, de dessins et de croquis et pendant quinze ans, il a aussi milité en faveur du jazz.
Son œuvre littéraire est saluée par la jeunesse, et L’Écume des jours en particulier, avec ses jeux de langage et ses personnages à clef, est passé à la postérité. Il est désormais un classique, qu’on étudie souvent dans les collèges et les lycées.
« Si, au cours de sa brève existence, il a multiplié les activités les plus diverses, son nom s’inscrit aujourd’hui parmi les plus significatifs de la littérature française. »
Réputé pessimiste, Boris Vian adorait l’absurde, la fête et le jeu. Il est l’inventeur de mots et de systèmes parmi lesquels figurent des machines imaginaires et des mots, devenus courants de nos jours.
L’Écume des jours
L’Écume des jours est un roman de Boris Vian (1947) dédié à sa première épouse Michelle.
Le roman n’aura succès de son vivant, malgré le soutien actif de Raymond Queneau et Jean-Paul Sartre, qui publie des extraits du texte dans les Temps modernes.
Le roman L’Écume des jours est entré à La Pléiade en 2010.
Les personnages évoluent dans un univers poétique et déroutant, avec pour thèmes centraux l’amour, la maladie, le travail, la mort, dans une atmosphère de musique de jazz, de climat humide et marécageux, qui rappellent les bayous de Louisiane.
L’avant-propos de l’auteur donne rappelle les Chroniques du menteur en cela qu’il parle de tout autre chose que du contenu du roman. Son goût pour le canular apparaît dès la première phrase : « L’essentiel est de porter sur tout des jugements a priori », et dans les suivantes qui dévient de l’amour au jazz pour aboutir à « … l’histoire est entièrement vraie puisque je l’ai imaginée d’un bout à l’autre.
Cet avant propos est encore très policé si on le compare à la présentation du roman que Boris avait remise en juin 1946 à Louis-Daniel Hirsch chez Gallimard « Il s’agit, bien entendu, des jours obliques, les seuls présentant un intérêt du point de vue morphologique (…) C’est un des rares ouvrages qui, pour suivre la voie brillamment tracée par Bossuet et ses prosélytes ne se lisent pas moins avec un minimum de dégâts. Les personnages sont peints avec un sens très vif de la couleur, ce qui s’explique par ce que l’auteur est un musicien, bien connu des milieux spécialisés. » Jugé impubliable par Hirsch qui continuait à demander à l’auteur des notices ou des prières d’insérer, et qui en recevait de tout aussi fantaisistes et impubliables.
« L’Écume des jours est un conte, d’abord enchanteur, où les êtres, les souris, les objets, sont animés des meilleures intentions. », mais aussi, selon Raymond Queneau, « le plus poignant des romans d’amour contemporains ». Cette œuvre poignante, lourde de sens est tout à fait hors-série. Elle plonge le lecteur dans un univers dont les lois sont absurdes et impitoyables, où la mort s’abat sans crier gare.
Résumé
Le roman commence par la présentation de Colin : « Colin terminait sa toilette. Son peigne d’ambre divisa la masse soyeuse en longs filets orange pareils aux sillons que le gai laboureur trace à l’aide d’une fourchette dans de la confiture d’abricots. »
Colin évolue dans un monde fictif basé sur des lois qui lui sont propres, où il peut « se tailler les paupières en biseaux » ou « percer un trou au fond de sa baignoire » sans que cela ne semble fantastique, irréaliste, une fois intégré au monde de l’Écume des jours.
Le personnage « possède une fortune suffisante pour vivre convenablement sans travailler pour les autres ». Il a un ami nommé Chick, qui ne dispose pas de cette chance, puisque, étant ingénieur, il est très pauvre. Le cuisinier de Colin, Nicolas collectionne les aventures tout en restant aveugle face à l’amour d’Isis, une amie d’Alise et Chloé.
Chick fait la connaissance d’Alise, une parente de Nicolas. Colin est jaloux et désire lui aussi connaître une fille. Il tombe amoureux de Chloé lors d’une fête pour l’anniversaire du caniche Dupont. Il se marie avec elle et donne le quart de sa fortune à Chick pour épouser Alise. Mais Chloé tombe malade, et c’est le début des problèmes d’argent pour Colin qui, après avoir investi une forte somme dans son mariage et dans une voiture de luxe, doit, pour la guérir, lui acheter des fleurs en grande quantité et l’envoyer à la montagne. Chloé est contrainte à ne boire que deux cuillères par jour et souffre beaucoup. Quand elle revient de la montagne, elle ne peut utiliser qu’un seul poumon, mais ensuite elle tombe de nouveau malade, de l’autre poumon. Leur maison rapetisse progressivement et devient chaque jour plus triste et obscure, malgré les efforts de leur petite souris grise à moustaches noires pour nettoyer les carreaux et laisser passer les rayons de soleil.
Chick est passionné de Jean-Sol Partre, et dilapide tout l’argent que lui a laissé Colin, en achetant tout objet ayant un rapport avec le philosophe. Utilisant l’argent uniquement pour assouvir sa passion, il n’épouse Alise, qui finit par tuer le philosophe avec un arrache-cœur et brûler les librairies proches de chez Chick. Pendant ce temps, n’ayant pas payé ses impôts, préférant conserver son argent pour agrandir sa collection, Chick subit un contrôle fiscal et sera tué par les policiers alors qu’il tente de les empêcher de détruire les ouvrages du philosophe. Alise meurt peu après dans les flammes.
Maintenant Chloé est emportée par la maladie et Colin est ruiné, ayant consacré tout le reste de sa fortune dans l’espoir de la guérir. Comme il ne peut payer le prix fort, les religieux ridiculisent l’enterrement. La souris cherche à mourir entre les crocs d’un chat, car elle ne supporte plus de voir Colin si triste. Ce dernier semble se laisser mourir de tristesse.
Les personnages
– Colin : le personnage principal, jeune homme âgé de 22 ans, qui aime le jazz et l’amour et qui déteste la violence et le travail.
– Chloé : incarne la beauté et la féminité, la femme parfaite pour Colin, jeune, jolie, douce et attirante, mais fragile, qui mourra d’un nénuphar dans les poumons.
– Chick : le meilleur ami de Colin, passionné et fou de la philosophie de Jean-Sol Partre (Jean-Paul Sartre) même s’il ne comprend rien.
– Alise : une jeune femme sentimentale et aimable, passionnément amoureuse de Chick.
– Nicolas : l’oncle d’Alise et le cuisinier de Colin.
– Isis : issue de la haute bourgeoisie, elle est amoureuse de Nicolas, même si ce dernier ne le remarque pas.
– Jean-Sol Partre : penseur et philosophe qui a écrit Le Vomi, allusion au livre de Sartre : La Nausée.
– Mangemanche : le docteur incapable de guérir Chloé.
– La souris grise à moustaches noires qui habite chez Colin et qui essaiera de rendre la maison aussi lumineuse qu’au début de l’histoire. Elle échoue et finit par se suicider sous les crocs d’un chat.
Thèmes
– L’amour : fou et malheureux entre Colin et Chloé, l’amour impossible entre Chick et Alise et l’amour physique entre Nicolas et Isis.
– Le monde du travail : sur les conditions de travail inhumaines, car chaque personne employée est ramenée au rang d’une machine.
– La musique : il y a de nombreuses références aux musiciens et compositions de jazz.
– La religion : critiquée à travers un mariage et un enterrement, quand l’église est présentée comme avide d’argent.
– Le marécage : le mot « écume » dans le titre de ce roman symbolise la mousse et l’humidité.
– La maladie : Chloé est le personnage le plus affecté par la maladie, mais tous les autres personnages sont aussi affectés, plus particulièrement Colin et Nicolas, qui vivent auprès d’elle.
– L’espace : un élément malléable de l’univers dans lequel évoluent les personnages, mais il est également dépendant d’eux. Ainsi lorsque Chloé, malade, et Colin se retrouvent ensemble dans leur chambre, les coins de la chambre s’estompent, comme pour matérialiser leur sentiment d’être dans un « cocon » réconfortant.
– Les agents de force : on critique les agents de force, car ils abusent de leurs pouvoirs.
Citations
Il vida son bain en perçant un trou dans le fond de la baignoire. Le sol de la salle de bains, dallé de grès cérame jaune clair, était en pente et orientait l’eau vers un orifice situé juste au-dessus du bureau du locataire de l’étage inférieur. Depuis peu, sans prévenir Colin, celui-ci avait changé son bureau de place. Maintenant, l’eau tombait sur son garde-manger.
*
Il glissa ses pieds dans des sandales de cuir de roussette et revêtit un élégant costume d’intérieur, pantalon de velours à côtes vert d’eau très profonde et veston de calmande noisette.
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Il accrocha la serviette au séchoir, posa le tapis de bain sur le bord de la baignoire et le saupoudra de gros sel afin qu’il dégorgeât toute l’eau contenue. Le tapis se mit à baver en faisant des grappes de petites bulles savonneuses.
*
— Ce pâté d’anguilles est remarquable, dit Chick. Qui t’a donné l’idée de le faire ?
— C’est Nicolas qui en a eu l’idée, dit Colin. Il y a une anguille — il y avait, plutôt — qui venait tous les jours dans son lavabo par la conduite d’eau froide.
— C’est curieux, dit Chick. Pourquoi ça ?
— Elle passait la tête et vidait le tube de pâte dentifrice en appuyant dessus avec ses dents. Nicolas ne se sert que de pâte américaine à l’ananas et ça a dû la tenter.
— Comment l’a-t-il prise ? demanda Chick.
— Il a mis un ananas entier à la place du tube. Quand elle avalait la pâte, elle pouvait déglutir et rentrer sa tête ensuite, mais, avec l’ananas, ça n’a pas marché, et plus elle tirait, plus ses dents entraient dans l’ananas.
*
Colin s’arrêta.
— Nicolas quoi ? dit Chick.
— J’hésite à te le dire, ça va peut-être te couper l’appétit.
— Va donc, dit Chick, il ne m’en reste presque plus.
— Nicolas est entré à ce moment-là et lui a sectionné la tête avec une lame de rasoir. Ensuite, il a ouvert le robinet et tout le reste est venu.
— C’est tout ? dit Chick. Redonne-moi du pâté. J’espère qu’elle a une nombreuse famille dans le tuyau.
*
— On devrait les empêcher d’aller si vite, dit Colin.
Puis il fit un signe de croix car le patineur venait de s’écraser contre le mur du restaurant, à l’extrémité opposée de la piste, et restait collé là, comme une méduse de papier mâché écartelée par un enfant cruel.
*
Il fit un grand pas pour éviter une raie du bord du trottoir qui paraissait dangereuse.
— Si je peux faire vingt pas sans marcher dessus, dit Colin, je n’aurai pas de bouton sur le nez de demain…
— Ca ne fait rien, dit-il, en écrasant de tout son poids la neuvième raie, c’est idiot, ces trucs-là. Je n’aurai pas de bouton quand même.
*
— Les boutiques des fleuristes n’ont jamais de rideaux de fer. Personne ne cherche à voler des fleurs.
*
Il cueillit une orchidée orange et grise dont la corolle délicate fléchissait. Elle brillait de couleurs diaprées.
— Elle a la couleur de la souris à moustaches noires…
*
La souris prouva qu’elle n’avait besoin de personne en sortant toute seule et en se taillant un morceau de savon en forme de sucette.
— N’en colle pas partout, dit Colin. Ce que tu es gourmande !…
*
Le tapis de l’escalier, mauve très clair, n’était usé que toutes les trois marches : en effet, Colin descendait quatre à quatre. Il se prit les pieds dans une tringle nickelée et se mélangea à la rampe.
— Ca m’apprendra à dire des conneries.
*
Il voyait, par l’embrasure de la double porte, les garçons et les filles. Une douzaine dansaient. La plupart, debout les uns à côté des autres, restaient, les mains derrière le dos, par paires du même sexe, et échangeaient des impressions peu convaincantes d’un air peu convaincu.
*
Les vestiaire des garçons, établi dans le bureau du père d’Isis, consistait en la suppression des meubles dudit. On jetait sa pelure sur le sol et le tour était joué. Colin n’y faillit point et s’attarda devant une glace.
*
Elle se dégagea, saisit Colin par la main et l’entraîna vers le centre de sudation. Ils bousculèrent deux nouveaux arrivants du sexe pointu, glissèrent au tournant du couloir et rejoignirent le noyau central par la porte de la salle à manger.
*
Il se fit un abondant silence à l’entour, et la majeure partie du reste du monde se mit à compter pour du beurre.
Mais, comme il fallait s’y attendre, le disque s’arrêta. Alors, seulement, Colin revint à la vraie réalité et s’aperçut que le plafond était à clairevoie, au travers de laquelle regardaient les locataires d’en dessus, qu’une épaisse frange d’iris d’eau cachait le bas des murs, que des gaz, diversement colorés, s’échappaient d’ouvertures pratiquées ça et là et que son amie Isis se tenait devant lui et lui offrait des petits fours sur un plateau hercynien.
*
Il ne concevait la goinfrerie que pour les hommes, chez qui elle prend tout son sens sans leur enlever leur dignité naturelle.
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Il était si gentil qu’on voyait ses pensées bleues et mauves s’agiter dans les veines de ses mains.
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Ce qui m’intéresse, ce n’est pas le bonheur de tous les hommes, c’est celui de chacun.
*
Chloé avait passé ses bas, fins comme une fumée d’encens, de la couleur de sa peau blonde et ses souliers hauts de cuir blanc. Pour tout le reste, elle était nue, sauf un lourd bracelet d’or bleu qui faisait paraître encore plus fragile son poignet délicat.
*
On tombait dans un couloir obscur qui sentait la religion.
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Elle avait une peau ambrée et savoureuse comme de la pâte d’amandes.
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Le public qui se pressait là présentait des aspects bien particuliers. Ce n’étaient que visages fuyants à lunettes, cheveux hérissés, mégots jaunis, renvois de nougats et, pour les femmes, petites nattes miteuses ficelées autour du crâne et canadiennes portées à même la peau, avec échappées en forme de tranches de seins sur fond d’ombre.
*
La rue avait tout à fait changé d’aspect depuis le départ de Colin et de Chloé. Maintenant, les feuilles des arbres étaient grandes et les maisons quittaient leur teinte pâle pour se nuancer d’un vert effacé avant d’acquérir le beige doux de l’été. Le pavé devenait élastique et doux sous les pas et l’air sentait la framboise.
*
Des fleurs vertes et bleues poussaient le long des trottoirs, et la sève serpentait autour de leurs tiges minces avec un léger bruit humide, comme un baiser d’escargots.
*
— Emmenez-le…, dit-il au sous-directeur. Je vois bien pourquoi il est venu… Allez, vite !.. Déguerpis, clampin ! hurla-t-il.
Le sous-directeur se précipita vers Colin, mais celui-ci avait saisi le dossier oublié sur la table :
— Si vous me touchez…, dit-il.
Il recula peu à peu vers la porte.
— Va-t-en ! criait le directeur. Suppôt de Satin !…
— Vous êtes un vieux con, dit Colin, et il tourna la poignée de la porte.
Il lança son dossier vers le bureau et se précipita dans le couloir. Quand il arriva à l’entrée, l’huissier lui tira un coup de pistolet et la balle de papier fit un trou en forme de tête de mort dans le battant qui venait de se refermer.
*
Le plus clair de mon temps, dit Colin, je le passe à l’obscurcir.
*
La souris écarta les mâchoires du chat et fourra sa tête entre les dents aiguës. Elle la retira presque aussitôt.
— Dis donc, dit-elle, tu as mangé du requin, ce matin ?
— Ecoute, dit le chat, si ça ne te plaît pas, tu peux t’en aller. Moi ce truc-là, ça m’assomme. Tu te débrouilleras toute seule.
Il paraissait fâché.
— Ne te vexe pas, dit la souris.
Elle ferma ses petits yeux noirs et replaça sa tête en position. Le chat laissa reposer avec précaution ses canines acérées sur le cou doux et gris. Les moustaches noires de la souris se mêlaient aux siennes. Il déroula sa queue touffue et la laissa traîner sur le trottoir.
Il venait, en chantant, onze petites filles aveugles de l’orphelinat de Jules l’Apostolique.
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