Edmond Michon – chronique
Cet homme déchargeaient ses caisses de poissons, la criée était comble, la nuit à l’horizon pointait. L’aube se levait. La pointeuse fit un bruit sec, elle était pressée. Ses enfants attendaient à la garderie et tout ce qui devait remplir chaque soirée garnissait bien celle-ci comme toutes les soirées chargées de la semaine. Et seul, tout se démultipliait. Il était tôt et il finissait sa garde à l’hôpital. S’il n’était pas réquisitionné pour une nouvelle urgence, il aurait juste le temps de faire un bisou à ses enfants avant qu’ils aillent à l’école et sa femme, avant qu’elle embauche. L’entretien d’embauche se solderait sans par un échec, c’était une femme, l’âge, son manque de polyvalence. Ces agriculteurs âgés survivaient avec des pensions misérables, mais ils étaient des figures locales. Ils aimaient au crépuscule regarder la vallée, leurs montagnes. Ce vieil homme à la pipe et à la casquette était un gardien de phare. Souvent, sur la jetée, il observait la mer et au loin le phare dont il avait été le gardien et dans lequel il avait passé une bonne partie de sa vie. La nuit, dans ses rêves, il était pris dans l’une de ces tempêtes monstrueuses et dont les vagues faisaient trembler tout l’édifice, et l’écume blanche faisait disparaître quelques secondes cette lumière salvatrice. Et ces ouvriers sortant de l’usine, usés. Tous ces employés, le pas pressé sur le parvis de la Défense. Ces visiteurs à pôle emploi, sans espoir, ces sans emplois, ces sans toits, ces sans dents… Ces regards, ces rides, ces yeux, ces attitudes, ces actes empathiques ou solidaires, ces vêtements, ces habitudes. L’individu, petit à petit, en grandissant, s’imprègne des gens, de la nature, du patrimoine, du savoir, des cultures, des mœurs, des coutumes, des traditions qui l’environnent. Il s’enrichit de tout cela et avec sa personnalité humaine, sa voix, ses gestes, ses dire, son regard, son langage, ses habitudes, il retranscrit et témoigne. La vallée, la région, le littoral, cet endroit reculé mais pourtant bien existant. Il donne, il offre et en ce sens, aller dans le monde ou ne serait-ce qu’en France, constitue un voyage initiatique. Si on décide de passer les frontières, la richesse se démultiplie et le voyage initiatique devient, si je puis le dire, un pèlerinage des individus et de leur culture.
A travers l’histoire, ils se sont affrontés. Chaque jour, les rancunes ou les enjeux économiques les plus tenaces perpétuent cette aberration. Demain nous devrons mettre à des pratiques moyenâgeuses et parvenir à ce que cette nouvelle force culturelle et économique qui se développent sur tous les continents renverse l’économie actuelle inhumaine : le capitalisme ultra libéral lancé dans une course folle qui peut conduire à notre perte.
Tenez-vous au coin de la rue et observez ces femmes et ces hommes qui vont et qui viennent, qui restent là ou qui ne vont ni ne viennent. Ils sont l’illustration vivante d’une société, de son fonctionnement, de son état, de sa fracture sociale. En d’autres termes, ce sont des êtres humains culturels même si l’on n’intègre pas à ce terme les éléments uniques de la culture au sens habituel, car ils sont des illustrations… d’une culture !
Demain, en commençant dès aujourd’hui, nous œuvrons et nous œuvrerons pour que la richesse détenue par une minorité de privilégiés dépourvus de culture, parfois, devienne un bien commun et que le Temps apprenne à l’homme la Sagesse dans l’accomplissement de ces actes !