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Lugio – Edmond Michon

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Edmond MichonEdmond Michon – chronique

Lugio était un artisan pâtissier, comme son père l’avait été, et le père de son père. La Sicile, ce pays splendide, cette île volcanique, ce climat méditerranéen, ces villages perdus en montagne, ses traditions, sa culture et son organisation. Elle remontait à des siècles, avait évolué, aujourd’hui était très moderne : la mafia. Lugio payait l’impôt, un impôt toujours plus cher, mais en échange personne ne l’embêtait, ni lui, ni sa femme, ni ses enfants. Quand un membre de sa famille était malade, il était soigné. L’école aussi était gratuite. Sa clientèle lui était assurée. Naturellement, son Protecteur lui demandait parfois des services confidentiels. Son propre fils, parfois, était mis à contribution. Mais comment refuser ! Il finirait une balle dans la tête, sa mère et sa fille seraient des objets sexuels, et son fils finirait comme son père, à moins qu’il puisse rapporter de l’argent dans un trafic d’enfants ! Cette société, ce microcosme avait des traditions inviolables sous peine d’être tué !
Pour résumer, la pauvreté entretenue les satisfaisait car ils se sentaient protégés par leur parrain. Finalement se contenter de peu de choses était en soi satisfaisant. Se contenter de peu de choses, comme une sécurité, comme un don du ciel, comme un argument pour être heureux.
Se poser la question de la dignité, des droits de l’homme, d’une vie où « se contenter de peu » pouvait évoluer ne leur venait même pas à l’esprit. La pauvreté comme un destin, l’illettrisme, la famine parfois, comme une banalité. Se contenter de cela, c’était en somme se condamner à une injustice perpétuelle, à une fracture normale entre le riche et le pauvre, qui, sans que Lugio ne s’en aperçoive, était en fait un gouffre.
Et cette condamnation touche des milliards d’êtres humains. Le malheur, mais pas le bonheur, est universel. Ce gouffre, qui ressemble à une place de village où chacun se tait, le regard fuyant, ignore ce cadavre baignant dans son sang dans cette ruelle. Parmi d’autres milliers de gouffres, face à un système qui compte chaque dollar, chaque euro…peut importe comment il a été obtenu !

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