
Lydia Maleville
Lydia Maleville
Née dans une famille de paysans, seule, libre, comme une plante sauvage, une licence de lettres, un bébé, un mariage, une maîtrise d’archéologie, 3 enfants, un divorce, un nouveau couple, et puis elle se tire pendant quinze ans : Tahiti, les Antilles, l’Amérique du sud, l’Amérique du nord, l’Afrique, des balades en Europe, Asie… une autre vie et 2 autres enfants. La famille explose en 1994 quand elle rentre en France, à Montpellier.
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Soirée d’ Afrique
Feulements et cris d’oiseaux,
Percent l’Air mauve qui tremble.
Le ciel à L’arc en ciel ressemble
Où descend,
Glisse, l’astre orange.
Son baiser sur les toits de paille,
Et doucement,
Les briques de terre s’enflamment.
Le chant criard des femmes
S’approche, puis s’éloigne
Par leur marche cadencée.
Sur la pauvre terre brune,
Qui trop souvent fume,
Herbier de brousse brûlée,
Par l’ennemi sahélien menacée.
La hutte ronde, douce matrice
Est Coiffée de sa huppe, malice
De hauts et droits papayers,
Brun, ocre,
Rouge et or,
Vermeil, encens,
jaune orangé, ambré,
Terre de sienne,
Des bleus au violet,
Sous le camaïeu de rose,
Wusalan,
Fragrances de délices,
Savon noir sur les peaux des belles,
Jasmin, passiflore et épices,
Pour toutes celles
Dont les attraits vont luire.
Comme une came,
Et rendront fou de désir.
Huiles et feuilles de palme
Pour séduire,
Essences de beauté,
Musc, parfum sucré,
Et la noix de karité.
Derrière le manioc, les gombos
Les plants de crônes, et d’ignames,
Fleurissent les fleurs blanches
Des caféiers
Si parfumés,
Qu’ils violonent nos âmes.
Entre les généreux bananiers,
Hibiscus, bougainvilliers,
Tous splendides.
Et sur le sol en tranche,
La mousse à l’odeur fétide,
Une tâche de chair orangée,
Comme la revanche,
D’une papaye oubliée.
Le flamboyant écarlate
Sur la brousse est incendie,
Divine fleur du paradis.
Abrite l’oiseau d’ agate
L’arbre immense,
Magique merveille,
Protecteur, arrondi ses branches
Et pleure en nuées légères,
Ses pétales de sang vermeil.
Incarnat de verre,
Jonchent le sol et s’épanchent.
Dans la sérénité du soir,
La brousse s’apaise au loin
Avant que ne vienne le noir.
Ils sont tous assemblés tout près.
Les corps musclés, et glabres,
Les cheveux teints,
Tous sont, sous l’arbre à palabres,
Le griot prépare demain.
Le grand balanzan les accueille
Sous le toit de feuilles,
Où l’ancien de son pouvoir
Passe le témoin.
Son corps parcheminé,
Porte les traces bleutées
De sa caste de Diatigui.
Sur sa peau fripée,
Que le temps n’a pas alanguie,
Les encres du tatouage,
Témoignent de sa valeur,
De son âge.
Assis devant les bras en rayons
De l’arbre du voyageur
Qui derrière, lui fait le don
D’un trône de feuillage,
Et le couronne de ses palmes
Qui frémissent et l’entourent,
D’honneur et de calme.
Tous font cercle autour de lui,
De sa silhouette royale,
L’ancien porte sa caste, sa vie,
Il est nyamakala
Il est descendant de Sundjata keita.
Il tient le fil d’hier,
Droit, sans orgueil, juste fier,
De demain Il prépare le savoir,
Sous l’arbre ami chaque soir.
Il détient le chant, la musique, la parole,
Le louangeur tient planté dans le sol.
Dans son four de glaise
Le feu qui éclaire et s’apaise,
Anime les visages bruns,
Sur l’horizon assombri
Se découpe magistrale
La silhouette noircie
Du grand Baobab béni.
Le Dieu fatal
Garde à son pied, ensevelis
Les crânes des griots,
Des Djélis.
Lydia Maleville, tous droits réservés