Pierre Carlet dit Marivaux
Surtout connu pour son théâtre et attaché au Comédiens italiens, Marivaux est un écrivain français, romancier et journaliste, toujours spectateur solitaire d’une société en pleine transformation.
Le nom de Marivaux a donné naissance au verbe « marivauder » qui signifie « échanger des propos galants et raffinés ». Par extension a été créé le mot « marivaudage », probablement dans un de ces cafés littéraires si prisés à l’époque.
Marivaudage reste un style précieux pour exprimer des sentiments amoureux.
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Les Fausses Confidences
Les Fausses Confidences est une comédie d’intrigue, de moeurs et comédie psychologique, en trois actes et en prose de Marivaux, sur l’idée de provoquer l’amour par de fausses confidences.
Elle est jouée pour la première fois le 16 mars 1737 par les Comédiens italiens à l’Hôtel de Bourgogne.
C’est le siècle des lumières et de la révolution française.
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Le Théâtre
Le théâtre est un genre littéraire qui montre sur la scène les réalités de notre monde, dans une lumière plus vive, sur tous les sujets : amour, histoire, mythes et légendes.
Théâtre et stratagème – signification
Le théâtre est comique, tragique, polémique, pathétique, lyrique, il dépeint pour faire rire, ou pour indigner son public, il vise à plaire maix aussi à instruire.
La Rhétorique
C’est l’art du discours ou l’art d’argumenter, d’employer les mots pour convaincre et persuader son interlocuteu, élément important des pièces qui reposent sur la réalisation d’un stratagème, car la réussite dépend en grande partie de la capacité du personnage qui complote à influencer par la parole ses interlocuteurs.
Le déguisement
C’est le changement d’identité d’un personnage par le biais d’un costume ou port d’un masque, pour dissimuler sa véritable identité .
L’aparté
C’est le discours qu’un personnage prononcé sans être entendu des autres personnages, qui dévoile les pensées de celui qui s’exprime et permet d’informer le public sur ses véritables motivations, dans un double jeu de certains personnages.
Interprétation du titre
Les fausses confidences sont mensonges purs et simples, demi-vérités, exagérations, dissimulations, mais aussi des révélations de faux secrets, et chaque personnage, guidé par ses sentiments ou par l’intérêt, ment et manigance pour parvenir à ses fins, dans un chassé-croisé de manœuvres intrigantes qui fondent la structure de la pièce.
Intrigue et Analyse
Le ressort fondamental de la progression dramatique est justement le recours aux fausses confidences.
Le maître amoureux Dorante est ruiné, et son ancien valet, Dubois, maintenant au service de la riche veuve Araminte, entreprend de la lui faire épouser.
Dubois est l’auteur de la première fausse confidence faite à Araminte.
Ensuite, Dorante et Dubois ont recours à des artifices empruntés à la tradition théâtrale : un portrait d’Araminte appartenant à Dorante, un autre tableau d’elle qu’il aurait contemplé avec trop d’admiration, et une fausse lettre dans laquelle il parle de son amour pour Araminte à un destinataire fictif.
Personnages
Araminte, riche veuve et fille de Madame Argante
Dorante, neveu de Monsieur Rémy
Monsieur Rémy, procureur et oncle de Dorante
Madame Argante, mère d’Araminte
Arlequin, valet d’Araminte – un personnage comique, chargé au cours de la pièce de servir Dorante
Dubois, ancien valet de Dorante, au service d’Araminte
Marton, servante d’Araminte
Le comte Dorimont, prétendant d’Araminte
Un domestique parlant dans les coulisses
Un garçon joaillier.
Thèmes
La naissance du sentiment d’amour
Le conflit entre l’amour, le mariage et l’argent
Les rapports entre maître et valet
Sincérité, hypocrisie, mensonge, manipulation / La vérité car tout le monde est masqué
Le métathéâtre – Dubois comme metteur en scène
Acte I
Dorante est ruiné. Son ancien valet, Dubois, maintenant au service de la jeune et riche veuve Araminte, entreprend de la lui faire épouser. Il engage Dorante à se faire présenter dans la maison en tant qu’intendant par M. Rémy, son oncle, procureur de la dame.
Dubois met en place un stratagème redoutable pour rendre Araminte amoureuse de Dorante.
Araminte lui trouve l’air distingué et elle l’engage, en procès avec le comte Dorimont qui l’épouserait volontiers pour mettre un terme à ce procès, mais Araminte ne sent aucune envie d’épouser le comte.
- Rémy veut que Dorante épouse Marton, la jeune protégée d’Araminte, qui recevrait ainsi 1 000 livres en cadeau du comte. Marton pense que cette somme serait bénéfique, et cette péripétie sert bien leurs intérêts, puisqu’elle a pour but de rendre Araminte jalouse par la suite.
La mère d’Araminte rêve de voir sa fille accéder au statut de comtesse, et ordonne à Dorante de dire à Araminte qu’elle perdra son procès, pour la convaincre épouser le comte. Dorante refuse et Araminte le félicite de sa probité.
Araminte demande à Dubois quelques renseignements sur son nouvel intendant, et il dit que c’est le plus honnête homme du monde, mais il est amoureux d’elle. Araminte est étonnée.
Acte II
Dorante conseille à Araminte de plaider, pendant que M. Rémy arrive pour proposer à son neveu un riche mariage. Il s’irrite de le voir refuser, et Marton croit que c’est pour elle. Un portrait mystérieux d’Araminte est alors apporté.
Marton pense que c’est le sien, mais, quand Araminte ouvre la boîte, on voit que c’est un portrait d’elle.
Quand Araminte apprend de Dubois que le projet de marier Dorante et Marton est une invention de Monsieur Rémy, et que le portrait a bien été peint par Dorante et non pas par le comte, elle décide de lui tendre un piège.
Elle l’oblige à écrire une lettre annonçant au comte qu’elle accepte de l’épouser. Soupçonnant le piège, il ne se dévoile pas. Marton vient annoncer qu’elle est prête à l’épouser ; il explique alors à Araminte qu’il ne peut pas. Elle ouvre la boite du portrait, et alors il se jette à ses genoux et lui demande pardon. Araminte lui pardonne, mais dit ensuite à Dubois qu’il n’a pas parlé.
Acte III
Marton, qui a compris que Dorante ne s’intéresse nullement à elle, subtilise une lettre, sur les conseils de Dubois. Cette lettre que Dorante a écrite à l’instigation du même Dubois, fait part à un destinataire imaginaire de sa passion pour Araminte.
Madame Argante essaie une dernière fois de convaincre sa fille de renvoyer Dorante. Marton, qui voit en la lettre une vengeance idéale, la fait lire au comte à haute voix, en présence de tous les protagonistes. Dorante ne renie pas cette lettre, qui avait pour but de rendre publique sa passion, et Araminte, irritée, congédie tout le monde.
Elle reproche à Dubois d’avoir trahi son ancien maître, rend son amitié à Marton qui vient s’excuser, et accepte que Dorante vienne lui faire ses adieux, avant de finir par lui avouer qu’elle l’aime. Il lui confesse alors que la plupart des rapports qu’on lui a faits étaient de fausses confidences, et que c’est Dubois qui a tout mené. Il n’y a de vrai que l’amour profond qu’il éprouve pour elle, et le portrait qu’il a peint.
Elle lui pardonne tout en faveur de cet amour et de sa franchise. Le comte, qui a compris que Dorante lui a plu, se retire avec élégance, Madame Argante affirme qu’il ne sera jamais son gendre, mais Araminte n’en a cure, et Dubois se félicite de sa victoire.
Maîtres et valets – la symbolique
Puisque le théâtre est le reflet d’une réalité sociale, le thème maître/valet est récurrent dans le théâtre et surtout dans la comédie, c’est l’image de la société, oscillant entre rivalité et complicité.
Intérêt dramaturgique
Marivaux utilise le travestissement – les personnages changent d’identité – un procédé qui lui permet de mettre en avant le caractère ou un trait de caractère ou de remettre en question l’ordre établi.
La mise en abyme vitalise la pièce.
Comédie grinçante
On retrouve dans Les Fausses Confidences les formes traditionnelles du comique qui provoquent chez le spectateur un rire franc, comme le comique de mots ou le comique de situation, et l’influence de la commedia dell’arte, par le biais du personnage d’Arlequin, stéréotype du valet balourd et rustaud, dont les bévues donnent lieu à de véritables saynètes comiques.
Du rire à l’inquiétude, Dubois, le deuxième personnage de valet de cette comédie, s’oppose à Arlequin et fait progresser l’intrigue et dirige le cours comme il le décrète dès le début de la pièce, en jurant à Dorante qu’il épousera Araminte : « vous réussirez, vous dis-je. Je m’en charge, je le veux, je l’ai mis là » (I, 2).
Valet de son état, Dubois s’impose pourtant comme le personnage maître de cette pièce, dépassant de loin sa condition et surpassant, bien que le servant, son propre maître, Dorante.
La veuve émancipée reflète la difficulté du sort des femmes sous l’Ancien Régime et les premières manifestations de leur désir d’émancipation.
L’ambiguïté ne manque pas, dans les relations de Dorante et Aramite, ou Dubois et Dorante.
L’enjeu de pouvoir – la maîtrise du langage
La maîtrise du langage fait Dubois dominer de loin toutes les situations, Arlequin prend les mots au pied de la lettre, Marton parle trop. Le langage est révélateur de l’influence qu’ils exercent au sein de leur microsociété.
Fin connaisseur de la puissance du langage, Dubois use de tous les artifices possibles pour exalter ses sentiments.
Araminte, de plus en plus consciente du pouvoir que les paroles de Dubois ont sur elle, tente de s’en prémunir : « tais-toi donc, tais-toi » lui enjoint-elle (II, 12).
Dans luttes et joutes amoureuses, l’amour est le grand inspirateur de ruses et de stratagèmes ingénieux, et les pièces de Marivaux en sont un parfait exemple, les personnages n’hésitant pas à changer d’identité pour s’assurer de l’amour de l’élue de leur cœur.