Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, est un comédien et dramaturge français, baptisé le 15 janvier 1622 à Paris, où il est mort le 17 février 1673, issu d’une famille de marchands parisiens. Il s’associe avec une dizaine de camarades pour former la troupe de l’Illustre Théâtre.
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Molière
Le Malade imaginaire
Comédie-Ballet en trois actes
1673
Le Malade imaginaire est la dernière œuvre dramatique écrite par Molière, une comédie-ballet en trois actes et en prose, créée le 10 février 1673 par la Troupe du Roi sur la scène du Palais-Royal à Paris, avec une musique de scène composée par Marc-Antoine Charpentier et des ballets réglés par Pierre Beauchamp.
PERSONNAGES DE LA COMÉDIE
ARGAN, malade imaginaire. Il est vêtu en malade. De gros bas, des mules, un haut-de-chausse étroit, une camisole rouge avec quelque gaion on dentelle ; un mouchoir de cou à vieux passements, négligemment attaché ; un bonnet de nuit avec la coiffe à dentelle.
BÉLINE, seconde femme d’Argan.
ANGÉLIQUE, fille d’Argan et amante de Cléante.
LOUISON, petite-fille d’Argan, et sœur d’Angélique.
BÉRALDE, frère d’Argan. En habit de cavalier modeste.
CLÉANTE, amant d’Angélique. Il est vêtu galamment et en amoureux.
MONSIEUR DIAFOIRUS, médecin.
THOMAS DIAFOIRUS, son fils, et amant d’Angélique.
MONSIEUR PURGON, médecin d’Argan. Ces trois personnage sont vêtus de noir, et en habit ordinaire de médecin, excepte Thomas Diafoirus, dont l’habit a un long collet uni ; ses cheveux sont longs et plats, son manteau passe ses genoux, et il porte une mine tout à fait niaise.
MONSIEUR FLEURANT, apothicaire. Il est aussi vêtu de noir, ou de gris brun, avec une courte serviette devant soi, et une seringue à la main. Il est sans chapeau.
MONSIEUR BONNEFOI, notaire.
TOINETTE, servante.
Résumé de la pièce :
La pièce tourne autour d’Argan, le « malade imaginaire », éponyme. Il est veuf et a épousé en secondes noces Béline, qui simule des soins attentionnés, mais n’attend en réalité que la mort de son mari pour hériter. Il se fait faire des saignées et des purges et absorbe toutes sortes de remèdes, prescrits par des médecins pédants, plus soucieux de complaire à leur patient que de concourir à améliorer sa santé. Pour les berner, Toinette, sa servante, se déguise en médecin et lui dispense de nombreux conseils ironiques et moqueurs pour la profession.
Angélique, sa fille, aime Cléante, ce qui contrarie Argan, qui préférerait la voir épouser Thomas Diafoirus, lui-même médecin. Pour les tirer d’affaire, Toinette recommande à Argan de faire le mort. Sa femme, appelée par Toinette, manifeste, devant celui qu’elle croit trépassé, sa joie d’en être débarrassée. Angélique, appelée ensuite par Toinette, manifeste un chagrin sincère à la mort de son père, qui arrête aussitôt son jeu et accepte l’union avec Cléante, à la condition que celui-ci devienne médecin. Béralde, frère d’Argan, conseille à ce dernier de devenir médecin à son tour, menant à une fin burlesque de la pièce, à savoir la cérémonie bouffonne de l’intronisation du « malade imaginaire » comme médecin.
C’est la dernière comédie de Molière.
Le jour de la quatrième représentation, le 17 du même mois, Molière, qui remplissait le rôle d’Argan, dit M. Taschereau, se sentit plus malade que de coutume. Baron et tous ceux qui l’entouraient le sollicitèrent en vain de ne pas jouer : « Comment voulez-vous que je fasse ? leur répondit-il ; il y a cinquante pauvres ouvriers qui n’ont que leur journée pour vivre, que feront-ils si je ne joue pas ? je me reprocherais d’avoir négligé de leur donner du pain un seul jour, le pouvant absolument. » Il fut convenu seulement que la représentation aurait lieu à quatre heures précises. Sa fluxion le fit si cruellement souffrir qu’il lui fallut faire de grands efforts intérieurs pour achever son rôle. Dans la cérémonie, au moment où il prononça le mot juro, il lui prit une convulsion qui put être aperçue par quelques spectateurs, et qu’il essaya aussitôt de déguiser par un rire forcé. La représentation ne fut pas interrompue ; mais immédiatement après ses porteurs le transportèrent chez lui, rue de Richelieu. Là, sa toux le reprit avec une telle violence, qu’un des vaisseaux de sa poitrine se rompit. » Il mourut suffoqué par le sang.
Sa femme reste à son chevet jusqu’à ce qu’il décède ; elle « pleure sa mort pendant des jours », ainsi que l’assure sa servante dans une lettre à sa mère.
Analyse
La pièce est une satire des médecins.
La satire de notre peur de la mort apparaît dans la critique des médecins. Or la thématique des médecins est déjà présente dans le théâtre français du Moyen Âge et se retrouve tout aussi bien dans les pièces de la commedia dell’arte que dans le théâtre français du xviie siècle. Molière reprend ce thème pour la première fois dans Le Médecin volant, une de ses premières farces, peu connue. Dans Dom Juan ou le Festin de pierre (1665) les thèmes de la maladie, des médecins et de la médecine resurgissent. Il suffit ici que le domestique Sganarelle s’habille en médecin pour passer pour un grand érudit et pour oser parler comme tel. Deux thématiques voient alors le jour : celle du jargon attribué aux médecins et celle du vêtement qui à lui seul suffit à transformer son porteur.
La critique de la médecine universelle est fréquente en Europe occidentale lors de la révolution scientifique des xvie et xviiie siècles.
AUTRE PROLOGUE.
Scène I.
UNE BERGÈRE, chantante.
Votre plus haut savoir n’est que pure chimère,
Vains et peu sages médecins ;
Vous ne pouvez guérir, par vos grands mots latins
La douleur qui me désespère :
Votre plus haut savoir n’est que pure chimère.
Hélas ! hélas ! je n’ose découvrir
Mon amoureux martyre
Au berger pour qui je soupire,
Et qui seul peut me secourir.
Ne prétendez pas le finir,
Ignorants médecins ; vous ne sauriez faire :
Votre plus haut savoir n’est que pure chimère.
Ces remèdes peu sûrs, dont le simple vulgaire
Croit que vous connoissez l’admirable vertu,
Pour les maux que je sens n’ont rien de salutaire ;
Et tout votre caquet ne peut être reçu
Que d’un malade imaginaire.
Votre plus haut savoir n’est que pure chimère,
Vains et peu sages médecins…
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Rire de la mort
Une des thématiques importantes du Malade imaginaire est le rire sur la mort, qui est récurrente : Argan a peur de mourir, les amants Angélique et Cléante songent au suicide si jamais ils sont séparés, la plus jeune fille d’Argan fait semblant de mourir, pour échapper à la correction. Et, point d’orgue, Argan feint la mort afin de connaître les vrais sentiments de sa femme et de sa fille aînée.
La musique dans la pièce
La comédie de Molière était donnée initialement avec des intermèdes musicaux à la fin de chaque acte, y compris l’intronisation finale d’Argan à la médecine. Cléante et Angélique chantent une courte pièce au début du deuxième acte.
Marc-Antoine Charpentier a composé plus qu’une musique de scène.
Après Charpentier et « ses déboires », d’autres compositeurs s’essayèrent dans « l’illustration musicale » de la pièce. On peut citer l’Ouverture composée par Jacques Offenbach, alors directeur de la musique de La Comédie française.
Au 20ème siècle, d’autres compositeurs sont mis à contribution.
Voltaire a dit du Malade imaginaire : « C’est une de ces farces de Molière dans laquelle on trouve beaucoup de scènes dignes de la haute comédie. » Geoffroy a dit à son tour avec beaucoup de raison, en répondant à Voltaire : « Il faut retourner ce jugement. Le Malade imaginaire n’est point une farce, c’est une excellente comédie de caractère, où l’on trouve, à la vérité, quelques scènes qui se rapprochent de la farce ; et même, si la pièce était jouée décemment et sans charge, comme elle doit l’être, il n’y aurait qu’une scène de farce, celle du déguisement de Toinette en médecin. Dans cette pièce, qu’on voudrait flétrir du nom de farce, on voit combien l’amour désordonné de la vie est destructeur de toute vertu morale.
Argan, voué à la médecine, esclave de M. Purgon, est aussi un époux sot et dupe, un père injuste, un homme dur, égoïste, colère. Avec quelle énergie et quelle vérité l’auteur trace le tableau des caresses perfides d’une belle-mère qui abuse de la faiblesse d’un imbécile mari pour dépouiller les enfants du premier lit ! Quelle décence, quelle raison ! quelle fermeté dans le caractère d’Angélique ! Cette comédie est l’image fidèle de ce qui se passe dans un grand nombre de familles. Enfin l’auteur a osé y attaquer un des préjugés les plus universels et les plus anciens de la société ; il a osé y combattre les deux passions qui font le plus de dupes, la crainte de la mort et l’amour de la vie : il a bien pu les persifler, mais, hélas ! il était au-dessus de son art de les détruire. Les usages qui ont leur force dans la faiblesse humaine, bravent tous les traits du ridicule. Molière, il faut bien l’avouer n’a point corrigé les hommes de la médecine, mais il a corrigé les médecins de leur ignorance et de leur barbarie. Les représentations du Malade imaginaire ne diminuèrent pas le crédit des médecins de la cour : madame de Maintenon n’en eut pas moins de respect pour la Faculté ; le sévère Fagon, digne émule de Purgon, n’en purgea pas moins Louis XIV toutes les semaines ; les jours de médecine du monarque n’en furent pas moins de jours solennels, des jours d’étiquette ; et les écoles de médecine continuèrent longtemps à retentir des arguments des Diafoirus. »